mardi 31 août 2010

Les travailleurs de Tecteo à nouveau sur le sentier de la grève


Par Jean Peltier le Vendredi, 06 Août 2010

Quasiment un an après leur mouvement massif de septembre 2009, les travailleurs de Tecteo sont repartis en grève. Cette fois, il s’agit de lutter contre trois licenciements arbitraires décidés par la direction la semaine dernière. Mais, en arrière-plan, c’est toujours la mise en œuvre du plan de restructuration de l’entreprise qui est à la base de ce nouveau mouvement.

Pour la direction, le licenciement s’imposait parce que « ces trois personnes ne remplissaient plus leur contrat de travail », évoquant une productivité trop faible et un comportement contestataire. Avec la morgue et l’arrogance qui caractérise la direction de Tecteo, un des membres de celle-ci a affirmé qu’il fallait éliminer les « éléments pollueurs » ! Pour les syndicats, par contre, le caractère arbitraire de cette mesure est évident : pourquoi 3 travailleurs et pas 10 ou 30 ? Pourquoi ces trois-là et pas d’autres qui sont dans la même situation ? Pourquoi maintenant en pleine vacances et pas avant ou après celles-ci ? En l’absence d’une réponse convaincante de la direction, les trois délégations ne peuvent tirer qu’une seule conclusion : il s’agit d’un test pour voir quelles vont être les réactions des travailleurs et des syndicats. On vire un nombre restreint de gens en pleines vacances pour qu’il y ait moins de réactions. On choisit arbitrairement trois personnes pour semer le doute parmi le reste du personnel. Et si cela marche avec ceux-là, ce sera la porte ouverte à d’autres licenciements, mais alors là sans doute plutôt à la louche qu’à la petit cuillère.

Tous ensemble !

C’est pour cela que la réaction a été aussi rapide et aussi déterminée. Alors qu’il règne malheureusement un certain climat de division syndicale chez Tecteo, cette fois la bonne réaction est venue spontanément et très vite : c’est ensemble que les trois syndicats ont appelé au débrayage. Dès lundi matin, l’arrêt de travail a été massivement suivi par les travailleurs. Un piquet inter-syndical est intervenu lundi au siège administratif de Liège, mardi à Ans et mercredi dans le zoning des Hauts-Sarts, les trois centres névralgiques de l’entreprise, essentiellement pour convaincre les travailleurs des filiales (en particulier ceux de Voo) de se joindre activement au mouvement.

La grève a été prévue pour les trois premiers jours de chaque semaine, de manière à limiter l’impact financier sur les grévistes. Elle reprendra donc lundi à l’issue de l’assemblée du personnel si rien de nouveau ne vient du côté de la direction. Pour le moment, celle-ci se tait dans toutes les langues. Elle semble décidée à jouer l’épreuve de force avec les syndicats. Preuve que sa visée est à bien plus longue portée que le cas des trois licenciés actuels.

Défendre l’emploi et le statut

Car le problème central est toujours la mise en œuvre du plan de restructuration élaboré par la direction au printemps 2009 et imposé pour l’essentiel au personnel malgré une grève de trois semaines en septembre dernier. Tecteo est issue d’une intercommunale liégeoise (l’Association Liégeoise de l’Electricté - ALE) qui a fortement grossi ces dernières années par l’absorption d’autres intercommunales locales et le développement du secteur de la télédistribution (Voo). Sa direction, qui est restée totalement aux mains de responsables PS (dont certains ultra-cumulards notoires comme Stéphane Moreau et André Gilles) veut continuer à faire grandir la société sur le marché. Pour cela, elle veut imposer des méthodes du privé en matière de productivité, de flexibilité et de précarité du travail. Ce qui est impossible sans démanteler le statut d’agent des services publics qu’ont encore la plupart des travailleurs de Tecteo. C’est donc à ce statut qu’elle s’attaque depuis deux ans.

C’est donc pourquoi aussi la défense de ce statut est au cœur des actions syndicales qui se sont succédées en juin et septembre 2009 puis en mai 2010 et enfin aujourd’hui.

Grâce à ces actions, le statut, s’il a bel et bien été entamé - passage aux 38 heures payées 36, suppression de jours de congé et de primes – a été maintenu pour l’essentiel. C’est aussi le cas de l’emploi dans la société : après la longue grève de septembre 2009, il a été décidé que les 229 travailleurs que la direction jugeait excédentaires dans la filiale de distribution de l’électricité seraient maintenus dans la société mais devraient être affectés dans d’autres filiales (existantes ou à créer) en conservant leur statut d’agent de service public.

Après de très longs mois d’incertitude, la direction a fini par mettre au point un organigramme précisant qui étaient les travailleurs qui seraient maintenus et ceux qui sont en sursis (bonjour l’ambiance au quotidien entre collègues !). Mais jusqu’ici les licenciements sont restés très limités et les départs volontaires n’ont guère fait baisser le nombre d’ « indésirables ». On peut affirmer sans crainte de se tromper que la direction voudrait accélérer ce rythme de départ. Et que le licenciement des trois « pollueurs » d’ambiance dans l’entreprise doit servir à faire pression sur les travailleurs pour semer l’inquiétude (après eux, qui seront les prochains ?), briser la solidarité (si je bouge, je vais me retrouver moi aussi sur la liste noire !) et pousser un plus grand nombre d’indésirables à partir volontairement.

D’où l’importance de mener une lutte résolue et solidaire contre ces licenciements.